Le paradoxe du "durable"

Peut-on encore parler de développement "durable" en 2017 ?

 

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Un constat

 

En 2017, peut-on encore parler de développement « durable » ?

 

En 2017, dans le contexte d’incertitude et d’imprévisibilité qui est devenu conscient chez de plus en plus de monde, le mot « durable » est-il encore adapté ? N’est-il pas plus improductif que motivant tant pour les citoyens que pour les décideurs ? Ce mot incite-t-il les personnes à passer à l’action ?

 

En 2017, pour la jeune génération qui arrive, et qui vit dans l’instantanéité et l’abondance de ressources, que signifie le mot « durable » ? Comment cette génération comprend-elle le développement « durable » ? Surtout, comment peut-elle s’impliquer fortement pour un terme qu’elle risque de ne pas réellement comprendre[1] ?

 

En 2017, il me semble qu’une majorité de décideurs (politiques ou privés) et de citoyens sont intellectuellement convaincus du bien-fondé des principes et des valeurs qui sous-tendent le développement « durable ». Mais combien agissent au quotidien en fonction de ces principes ? Beaucoup de travail est réalisé/encouragé dans cette direction mais combien de collectivités, d’entreprises ou d’organisations n’en font que le minimum, souvent sous une forme de contrainte ?

 

Le changement de contexte

 

Les définitions, communément admises du développement « durable », basées sur celle décrite en 1987 par le rapport Brundtland[2], s’appuient sur une responsabilité citoyenne et un désir de préserver la Vie sur terre, pour nous et pour nos enfants, au-delà d’aujourd’hui. Les valeurs nobles et essentielles qui sous-tendent ce développement « durable » sont certainement appelées à perdurer dans nos actes d’aujourd’hui et de demain.

 

Mais, le mot « durable » et les processus souvent associés pour l’appliquer au quotidien dans le monde politique et dans les entreprises/organisations ne sont-ils pas complètement découplés de la réalité quotidienne totalement imprévisible (et donc totalement « non-durable ») dans laquelle nous sommes immergés ?

 

Le mot « soutenable » parfois utilisé en lieu et place de « durable » n’est-il pas plus susceptible d’inviter les gens à agir, en sentant qu’ils ont le pouvoir, ici et maintenant, de le faire ; plutôt que de se sentir impuissants ou de ne pas pouvoir croire en la capacité d’arriver à mettre en place des démarches compliquées et exigeantes en temps ?

 

Est-ce ce simple changement de dénomination, qui peut paraître comme un détail sémantique insignifiant, est pertinent ? voire nécessaire ? Et si oui, quels peuvent être les mots qui touchent et motivent un plus grand nombre de personnes à œuvrer pour un développement « durable » ?

 

Comment évoluer ?

 

Dans cette partie, je liste quelques questions qui peuvent servir de base à des réflexions à mener sous une forme ou sous une autre avec des acteurs à identifier.

 

  • Est-ce que trouver un autre qualificatif, qui peut donner envie à tout citoyen et à tout employé d’agir,  ici et maintenant, pour un développement respectueux de la Vie qui les entoure, ne pourrait pas être un premier pas pour que le développement « durable » ne soit pas vécu comme contrainte pour les citoyens ? ou qu’il soit « tiré en avant » par quelques personnes qui s’essoufflent ? Pouvez-vous imaginer un autre mot que « durable » pour donner vie à ce développement harmonieux et respectueux de ce qui nous entoure et de ceux qui nous entourent ?
  • Est-ce plus de personnes pourraient devenir de vrais acteurs ou promoteurs du développement « durable », si elles pouvaient imaginer des processus et des projets plus amusants, peut-être plus petits et moins ambitieux, peut-être basés uniquement sur une seule des dimensions du développement « durable » (social, économique, environnemental) ? Et dans lesquels plus de citoyens ou d’employés pourraient être tant les leaders que les parties prenantes de ces projets ? On voit émerger de tels projets locaux, où des « héros ordinaires » sont mis en évidence au sein de leur collectivité et où la notion de « développement citoyen » prend tout son sens : projets à échelle locale, pratiques, appliqués et portés par des citoyens motivés, qui rayonnent ainsi dans leur environnement proche.
  • Les acteurs impliqués depuis plus de 20 ans dans ce développement « durable » pourraient-ils complètement remettre en cause ce qu’ils ont réalisés jusqu’à aujourd’hui ? Pour faire vivre les ambitions et les valeurs nobles qu’ils ont promues jusqu’ici de manière différente, plus parlante, plus touchante, plus « kiffante » pour un plus grand nombre et particulièrement les plus jeunes (qui ont été baignés dans le « tout est possible », ici et maintenant)  ? Réussir, par exemple, à y associer encore plus des aspects coopérants ou joueurs ? Parler de d’autres formes d’abondance plutôt que rester focalisés sur le manque ? Vanter et valoriser les expérimentations, réussies ou ratées, sans crainte du jugement (juste/faux) ? Systématiser une pensée/action inclusive plutôt qu’exclusive ? Car la transformation du monde ne semble pas épargner le développement « durable » et tout ce qui a alimenté et motivé les actions entreprises dans cet esprit depuis près de 30 ans.
  • Comment réunir un panel représentatif de personnes, pas forcément spécialistes, qui partagent le regard que je porte dans ce billet, pour tenter de dessiner différemment, aujourd’hui, le développement « durable » ? Car est-ce que l’intégration citoyenne est forcément une affaire de spécialistes ? ou est-elle plutôt nourrie lorsque chacun-e peut percevoir son propre pouvoir d’agir plus que la peur de perdre  quelque chose ?
  • Comment intégrer dans des réalisations à court-terme une ambition/vision à plus long terme (et marier ainsi l’action du moment (court-terme) avec des valeurs plus intemporelles (long-terme)) ?
  • Est-ce que les dernières connaissances de psychologie, des neuro-sciences, de sociologie peuvent fournir des outils/méthodes/contenus pour que les valeurs profondes cachées derrière le développement « durable » puissent être réellement vécues par le plus grand nombre ? Ce d’autant plus que, et c’est vraiment paradoxal, quasiment personne ne réfute intellectuellement ces principes et valeurs ?
  • Est-ce que se laisser inspirer par des manières agiles de penser et d’agir, souvent utilisées dans l’innovation peut être aidant ? Par exemple, privilégier l’importance du chemin  sur le résultat prévu longtemps à l’avance ?

 

Comment clarifier le paradoxe du « durable imprévisible » ? N’avons-nous pas besoin d’intégrer le plus de diversité possible autour de réflexions qui pourront déboucher sur des actions permettant, aujourd’hui déjà, de faire des sommes de petits pas en direction de la vision désirée ? Même si ces pas ne sont pas parfaits, même s’ils sont hésitants, même s’ils pourraient être plus coordonnés, même si ça ne paraît pas suffisant, même si ça semble aller trop lentement, même si… Mais qu’ils véhiculent une valeur essentielle : celle de répartir le pouvoir d’agir sur un plus grand nombre de citoyens.

 

Et si la somme de ces petites actions citoyennes réalisées aujourd’hui, ici et maintenant, valorisées dans leurs environnements respectifs, enrichies par le partage de ces expériences était aussi un modèle à développer ou à encourager ?

 

 

 

Concrètement

 

Je propose ci-dessous une démarche simple et pragmatique pour, au quotidien, tenter de s’assurer que les décisions prises aujourd’hui soient les plus « durables » possibles, en réponse aux besoins d’aujourd’hui, et dénuées au maximum de la coloration des croyances et habitudes peut-être dépassées.

 

Pour une décision à prendre (politique, au niveau de l’entreprise, personnelle, etc.) :

 

1.      Identifier toutes les parties prenantes impliquées

 

2.      Déterminer, le plus lucidement possible, si le maximum de parties prenantes sont « nourries » par votre décision en fonction des besoins d’aujourd’hui (qui ne sont pas forcément ceux d’hier ni ceux de demain). Est-ce que cette décision va contribuer à développer « plus de vie » chez toutes les parties prenantes ? Dans cette étape, les questions utiles peuvent être :

 

a.      « …au service de qui ?... »

 

b.      « …au service de quoi ?... »

 

c.      « …comment puis-je aider ?... »

 

d.      « …qu’est-ce qui est vraiment important pour l’ensemble maintenant ?... »

 

e.     

 

3.      Le choix à prendre, suite à cette étape 2, s’il est fait en fonction des réponses apportées à travers ce filtre, sera peut-être différent de la « norme » ou du « standard communément admis ». Et, le processus n’est pas forcément gourmand en temps !

 

Quelques exemples :

 

  1.   Pour un projet politique : les parties prenantes sont souvent les citoyens (aspects sociaux, apport vers/retour sur les citoyens, besoins fondamentaux, etc.), les entreprises locales (aspect économique et social, etc.), le capital territorial et environnemental à développer, etc. Tout ce qui se réalise aujourd’hui et qui prend en compte les paramètres prônés par le développement « durable » s’attelle à remplir naturellement les besoins de ses parties prenantes, pour un développement harmonieux du terreau local.
  2. Une petite PME naturellement doit tenter de prendre en compte la satisfaction de toutes ses parties prenantes pour pouvoir survivre. Pour une entreprise plus grande, les parties prenantes sont autant les clients, les employés, les fournisseurs, etc. que les administrateurs et les actionnaires. Peut-être que la prise en compte consciente de toutes ces dimensions pourrait rendre certaines entreprises « plus durables » sur le plan du développement de son capital humain ?
  3. Pour un développement personnel, les parties prenantes sont autant internes (en soi : les aspects émotionnels, mentaux, spirituels et physiques) qu’externes (son entourage proche). Est-ce qu’alors un développement « durable » de soi peut être réalisé en tenant compte de toutes ces parties prenantes plutôt que de ne se focaliser que sur l’un ou l’autre aspect ?

 

 

 

En plus d’un désir de « bon sens », du plaisir éprouvé et d’un senti de plénitude, j’utilise souvent un critère supplémentaire qui m’est très utile pour m’indiquer si la pertinence ou non du choix/de la décision que je suis en train de prendre est la plus adaptée au contexte de maintenant: est-ce que, maintenant, cette décision est fluide, est-ce qu’elle respecte un effort minimal ? Cette « loi de l’effort moindre » n’est-elle pas celle qu’utilisent autant la Nature au printemps, un sportif d’élite (p.ex Roger Federer), un chef d’entreprise inspiré, etc. malgré l’énergie folle nécessaire pour que leurs intentions se réalisent ?

 

Est-ce utile ou pertinent pour vous ? Je l’espère et vous souhaite un bon cheminement dans votre développement, sur quelque plan que ce soit !

 

 

 

Jean-Pierre Rey, 16 avril 2017

 



[1] Car cette génération n’a-t-elle pas été baignée dans l’incertitude ? dans la nécessité de s’adapter rapidement ?  dans la capacité à obtenir rapidement ce qu’elle désirait avec la certitude que c’était possible ?

[2] Vous trouvez quelques-unes de ces définitions: https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9veloppement_durable

 

 

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